Archéologie préventive, archéologie programmée : une cohabitation au service de notre patrimoine
Cet été 2023 a été riche en enseignement, et comme chaque année, je l’ai dédié au terrain. Mais pour la première fois, une transition s’est effectuée dans mon parcours en faisant un saut de l’archéologie programmée à l’archéologie préventive. Et si pour nous, étudiant ou professionnel, la distinction est parfaitement claire, bon nombre m’ont écrit sur mon compte Instagram, lorsque j’ai fait part de mon évolution professionnelle, pour m’interroger sur cette différence.
Archéologie préventive : L’objectif est d’enregistrer et documenter des vestiges qui seront détruits dans le cadre de projets d’aménagements.
C’est dans cette branche que se professionnalisent la plupart des archéologues. Les campagnes de fouilles préventives interviennent avant des travaux d’aménagements et sont généralement plus courtes (même si certains chantiers d’envergures peuvent s’étaler sur plusieurs années). Ces campagnes de fouilles sont réalisées par des entreprises, soit publiques (collectivités, INRAP), soit privées (Eveha, Hades, Archeodonum, Arkemine, etc), et sont financées directement par l’aménageur, avec parfois une aide de l’État. Vous pouvez cliquer sur les noms pour accéder à leurs sites et obtenir ainsi de plus amples informations.
La prescription de chantier d’archéologie préventive n’est pas automatique. Elle intervient sur décision du SRA (service régional d’archéologie) à la suite d’un diagnostic. Celui-ci consiste à ouvrir des tranchées, en amont des travaux, pour observer l’apparition des potentiels vestiges à sauver. En fonction de la quantité de mise au jour, des fouilles sont prescrites. Certaines peuvent être réalisées directement sans diagnostics lorsque le potentiel archéologique est déjà connu. Ces fouilles peuvent être réalisées en amont des travaux ou en parallèle. Depuis 2001, la prescription de diagnostics et la réalisation de fouilles sont obligatoires lors de la réalisation de travaux. Ces chantiers sont financés directement par l’aménageur.
Le travail de l’archéologue préventif ne s’arrête pas à la phase de terrain. Suite aux fouilles, débute la post-fouille où est étudié tout l’enregistrement du terrain et le mobilier prélevé, avec pour objectif de réaliser un rapport à l’issue.
Archéologie programmée : L’objectif est d’aller étudier des vestiges que l’on a pu localiser par la prospection et/ou par les sources.
Contrairement à l’archéologie préventive, l’archéologie programmée n’intervient pas dans le cadre de sauvetage de vestiges, mais dans un objectif d’études longues. Une problématique de recherche est établie, nourrie par les découvertes faites pendant les campagnes de fouilles. La hiérarchie sur le chantier est comme sur un terrain d’archéologie préventive. Un responsable d’opération (professionnel ou non, payé ou non) est assisté par un ou des responsables de secteurs qui supervisent des techniciens de fouilles, ici bénévoles.
L’archéologie programmée est le point de départ de la formation de bon nombre d’archéologues puisque les étudiants sont conviés à se former là-bas. Les chantiers ont principalement lieu l’été sous la direction de responsables d’opérations. Ces derniers sont rattachés à des laboratoires de recherches (CNRS, université, etc.) ou issues de l’archéologie préventive dont des jours de recherches leur ont été dispensés par leurs sociétés de rattachement ou sur leurs congés. L’équipe est alors formée de bénévoles ou de stagiaires qui vont venir le temps de la campagne de fouille participer au déroulement de celle-ci. C’est ainsi l’occasion d’apprendre les rudiments du métier, les méthodes de fouille et d’enregistrements, ainsi que les conditions de travail sur un terrain. Leurs contributions permettent ainsi de faire avancer l’état de la recherche. De manière générale, les étudiants sont logés et nourris en échange de leur investissement.
Comme évoqué dans la définition, les fouilles programmées peuvent débuter par une campagne de prospection qui a lieu en amont des fouilles. En allant inspecter une zone comportant potentiellement des vestiges, l’archéologue va relever des indices (mobiliers, vestiges, changements de paysages, etc.) qui lui permettront d’envisager la présence d’un site archéologique. Les campagnes de fouilles le vérifieront par la suite. Les chantiers ont lieu sur quelques semaines ou mois sur plusieurs années.
Ces fouilles peuvent être financées par plusieurs organismes : la DRAC (direction régionale des affaires culturelles), la région, des associations, des mécènes, etc. Tout financement est possible. La seule obligation pour réaliser des fouilles programmées est d’obtenir une autorisation de l’état par le SRA (service régional de l’archéologie) et par le propriétaire du terrain. Comme ces fouilles s’inscrivent dans la PSN (programmation scientifique nationale), le responsable d’opération se doit de rendre un rapport de fouille à la fin de la campagne.
Dans les deux cas, l’archéologie reste une discipline encore méconnue du grand public. J’espère avoir pu vous faire comprendre cette différence, même si en réalité ces deux branches de l’archéologie ne font que cohabiter pour une même cause : comprendre et protéger notre patrimoine.
Si cet article vous a donné envie de découvrir plus concrètement cette discipline, certains chantiers ouvrent leurs portes au public lors de journées événementielles (journée européenne d’archéologie, journée européenne du patrimoine). Vous pouvez aller directement sur leurs sites internet lorsque les dates approchent afin de voir si des chantiers se visitent. Et si vous souhaitez vous essayer à l’archéologie, vous pouvez consulter mon ebook (disponible gratuitement sur mon site) qui vous guidera pour trouver votre premier chantier d’archéologie programmée.
Pour finir, je souhaite remercier Roxane Barataud, amie et archéologue, qui m’a aidée à la rédaction de cet article.
